Dans un article paru sur le site web Capital.fr (1), des chercheurs français réclament haut et fort les vertus du plastique en critiquant les voix qui appellent à son élimination de l'utilisation.
Les auteurs de cet article commencent d'abord par s'attaquer aux idées reçues qui sont selon eux fausses (mais pas vraiment à notre avis). D'abord, ils considèrent qu'un future sans plastique est irréalisable et même rétrograde. Le plastique est présent dans pratiquement toute les utilisations quotidiennes et présente un large ensemble de propriété désirable qu'il est difficile de lui trouver un substituant moins polluant. C'est difficile mais pas impossible. L'humanité a vécu sans plastique jusqu'à très récemment (20ème siècles). Si le voyage dans le passé n'est actuellement pas possible et que l'arrêt brutale de toute utilisation du plastique n'est pas envisageable (et n'est pas envisagé), il existe bien des idées réalisables pour sortir du plastique (et aussi du nucléaire et des énergies fossiles). Pour beaucoup d'applications, nous avons déjà des alternatives (2), d'autres utilisations ne sont pas indispensables et peuvent être éliminées (5). Pour le reste, la recherche scientifique tente de trouver une solution. Je suis confient que dans un avenir pas très loin, ce but sera atteint pour la plupart des types et d'utilisations du plastique.
Les auteurs prônent également de considérer la valeur énergétique de l'ensemble du cycle de vie d'un produit, "c’est-à-dire l’ensemble des impacts environnementaux d’une marchandise, de sa fabrication à sa destruction" mais ils tombent dans leur propre piège. L’ensemble des impacts environnementaux d'un produit ne se limite pas à sa consommation énergétique mais inclut aussi d'autres aspects. Le problème avec le plastique, ce n'est pas sa consommation énergétique mais la pollution avec les déchets solides qui ne sont pas (bio)dégradables. Même quand il se décompose le plastique pose problème car les particules de plastique contaminent les nappes phréatiques (7) et se trouve ensuite dans notre alimentation (6).
Un autre exemple qui contredit l'approche de ces auteurs est celui de l'énergie nucléaire qui est très propre en terme d'émissions de gaz à effet de serre mais pose de sérieux problèmes quand il est question de se débarrasser des déchets nucléaires et notamment en cas d'accidents (ex. Tchernobyl, Fukushima).
D'ailleurs les auteurs utilisent le mauvais terme. Ce n'est pas la consommation énergétique qui est problématique mais plutôt la pollution qui en résulte via les émissions de gaz à effets de serre et pour l'extraction du carburant. De ce fait, cette consommation énergétique ne pose problème que dans le cas d'énergie fossiles (et du nucléaire). L'ambition d'un monde qui fonctionne complètement sur des énergies renouvelables peut être accomplie dans le moyen terme. Un pays comme l'Autriche, produit déjà la majorité de son électricité de sources renouvelables et a même atteint 100% dans la province de Basse-Autriche (3). Les voitures électriques sont une réalité et des camions électriques pour le transport de marchandises sont en développement.
Il est vrai que le plastique nécessite beaucoup moins d'énergie pour sa production et son recyclage (car ne requiert pas de hautes températures) et son transport (car très léger) comparé aux autres alternatives (carton, verre et aluminium par exemple). Mais cette avantage se dissipe immédiatement si l'on considère l'utilisation des énergies renouvelables dans la production et les véhicules électriques dans le transport. Il est vrai qu'un gobelet en carton nécessite plus d'énergie pour sa production que sa version plastique mais cette énergie est sous forme d'électricité et pas de pétrole.
Il ne faut pas oublier également que le plastique est dérivé du pétrole et que cela lui attribue aussi des effets néfastes à l’environnement dans la phase d’extraction.
Les auteurs prônent alors la valorisation des déchets plastique via leur réutilisations et l’implémentation de centres de recyclage partout dans le monde. Le recyclage contribue à modérer les effets de notre consommation du plastique (ainsi que d’autres matériaux polluants) sur notre planète, notamment dans les pays avec une bonne gestion des déchets, mais ne résout pas tous les problèmes environnementaux. D’ailleurs pas tous les types de plastique sont recyclables, certains perdent en qualité quand ils le sont ou ne peuvent l'être qu'un nombre limité de fois. Quand ils sont recyclables, ils ne sont pas toujours recyclés (9). D’ailleurs, la récupération de ces matériaux est loin d’être suffisante. Parfois, il est difficile de les séparer d’autres déchets (c’est le cas des pailles en plastique, le micro-plastique dans les produits cosmétiques, films plastiques dans les produits plastifiés). Aussi, les gens ne sont pas toujours minutieux en termes de tri de leurs déchets et leur élimination. Dans la plupart des pays du monde, la gestion des déchets est défaillante ou carrément inexistante. Ainsi, une grande partie de nos déchets finit dans la nature (et les océans). Aussi, pour des raisons économiques, il n’est pas toujours rentable pour les entreprises d’utiliser des matériaux recyclés. D’abord parce qu’ils sont souvent contaminés et que leur ‘purification’ est couteuse, et ensuite parce que la matière première vierge est moins chère comme c’est le cas pour la plupart des types de plastique, notamment lorsque les prix du pétrole sont bas. S'il y a un intérêt visible pour le recyclage des bouteilles en PET, celui des pots de yaourts et des bacs à margarine (PP) ne séduit pas grand monde. Des entreprises de pays développés ont longtemps fait envoyé les déchets plastique collectés vers des pays où la réglementation est moins stricte et où ces déchets sont simplement jetés dans des décharges parfois clandestines (4). Suivant le même raisonnement, le traitement des produits en fin de vie en utilisant des procédés propres de destruction, ne résout pas le problème non plus car encore une fois, faut-il les récupérer.
Là où l’on commence à être d’accord avec les auteurs c’est lorsqu’ils suggèrent d’agir à la racine du problème en modifiant les plastiques afin de leur garantir une fin de vie plus écoresponsable. C’est effectivement ce qui est recherché par plusieurs scientifiques (exemple, (bio)polymères biodégradables (8)). Mais il parait que les auteurs ne font pas la différence entre le plastique non dégradables et ces nouveaux types biodégradables que personne n’appelle à éradiquer et qui, au contraire, sont considérés comme alternatives propres au plastique. Enfin, même s’il s’agit d’une bonne idée pour l’environnement, cela reste insuffisant car pas tous les types de plastiques ont un remplaçant biodégradable. Aussi, la fabrication de ces matériaux pour remplacer tous nos besoins en plastique, à partir de sources végétales (soja, maïs) dont repose l’alimentation d’une grande partie de la population de la planète peut poser des défis supplémentaires, notamment, celui de ne pas affecter les quantités destinées à nourrir le monde et leurs prix. Il faut donc penser aussi à bannir l’utilisation du plastique (et autres matériaux problématiques) lorsque celle-ci n’est pas indispensable. En résumé, il faut continuer à faire la guerre aux plastiques.
1) https://www.capital.fr/economie-politique/pollution-arretons-de-faire-la-guerre-aux-plastiques-1338388
2) https://presse.spar.at/news-aus-fuer-plastik-obstsackerl-bei-spar-in-wien-?id=86319&menueid=504&l=deutsch
3) https://www.theguardian.com/world/2015/nov/06/all-electricity-in-austrias-largest-state-now-produced-from-renewables
4) https://www.theglobeandmail.com/world/article-malaysia-to-send-back-plastic-waste-to-foreign-nations-2/
5) https://www.bbc.com/news/world-africa-49421885
6) https://www.nationalgeographic.com/environment/2019/06/you-eat-thousands-of-bits-of-plastic-every-year/
7) https://www.sciencedaily.com/releases/2019/01/190125112312.htm
8) http://pedagogie.ac-limoges.fr/physique-chimie/IMG/pdf/biopolymeres-2.pdf
9) http://napcor.com/reports-resources/
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